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L'histoire de Souleymane: voyage au pays des sans-papiers
31-01-2025

Aller au cinéma pour voir L’histoire de Souleymane de Boris Lojkine et ne pas trouver d’apaisement face à la turpitude du monde dans lequel on vit.

Au contraire, en sortir complètement sonné, car ce film fait l’effet d’un coup de poing.

Néanmoins, quel film! qui repose essentiellement sur les épaules d’Abou Sangare, éblouissant de vérité dans son premier rôle au cinéma.

Pour ce qui est de la forme, c’est frénétique comme Cours Lola cours. Quant au fond, comme si c’était la suite de Moi, Capitaine de Matteo Garonne que j’ai vu presqu’à pareille date l’an dernier. 

Dans Moi, Capitaine, nous suivions un Sénégalais dans son odyssée effroyable pour atteindre l’Europe, vue comme une terre promise. Le film se terminait avec l’arrivée du bateau de réfugiés sur les côtes italiennes.

Dans L’histoire de Souleymane, il se passe ce qu’on appréhendait pour le fameux capitaine Seydou: l’inévitable vie de misère qui vient quand on met le pied dans un pays alors qu’on est sans-papiers.

Ce film nous plonge littéralement dans la réalité d’un Africain illégal à Paris. Souleymane fait des livraisons à vélo pour survivre, obsédé par l’échéance prochaine de sa carte de séjour et de sa prochaine comparution devant les autorités.

Contaminé par son entourage, Souleymane, le parfait bon gars, finit par croire que sa seule planche de salut est de plaider la persécution dans son pays pour mériter l’asile politique. Mais il ne connaît rien de la politique de son pays.

Déjà que la job de livreur est une abominable réalité, job terriblement exigeant et mal payé, le pauvre Souleymane se fait arnaquer pas un compatriote africain qui lui soutire le maximum d’argent pour lui forger un passé d’activiste.

La dernière partie du film, l’entrevue avec la fonctionnaire, offre un changement de registre à 360 degrés qui, en plus de nous laisser pantois, nous oblige à prendre position.

Oui ou non, ce garçon mérite t’il d’avoir ses papiers?

Parce que le cinéma n’est pas loin de la réalité, l’acteur principal, Abou Sangaré, 23 ans, Guinéen, qui a rejoint la France à 16 ans après avoir traverser l’Algérie et la Libye, et qui a failli mourrir noyé dans la Méditerranée, était, jusqu’à tout récemment, sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Après trois demandes, il a obtenu son titre de séjour en France … il y a trois semaines!

Ironiquement, il a été nommé, fin janvier, pour le César de la révélation masculine. Lors de la 50e remise des César le 28 février,

 

L'Histoire de Souleymane aura au total huit chances de s’illustrer, dans les catégories meilleur film, meilleure réalisation, meilleur scénario, ce qui tombe sous le sens, mais aussi photo, son, montage, trois raisons de l’efficacité de ce film.

Aucune nomination pour la musique, car il n’y a pas de musique. Toute la place est laissée au bruit de la ville.

Cela peut paraître étonnant en regard de sa présence à l’écran, mais l’actrice Nina Meurisse a décroché une nomination dans la catégorie meilleur second rôle alors qu’elle n’apparaît qu’au dernier tiers du film, une portion qui se passe en français, alors que le reste du film est en peul et en mandika avec sous-titres.

Nina Meurisse est saisissante dans le rôle de la fonctionnaire qui passe l’entrevue à Souleymane avec sa carapace de représentante de la République de laquelle suinte une empathie inévitable devant le vibrant plaidoyer du demandeur d’asile.

Vraiment à voir!

La bande annonce donne parfaitement le ton:

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