
photo: Pierre Dury
Centre d'art populaire du Québec de Plaisance
25-08-2025


Ces dernières semaines, j’ai fait une tournée des grands musées de Québec et de l’Outaouais. J’ai parlé ici de chacune des expositions que j’ai vues.
Je termine ça avec le Centre d'art populaire du Québec, à Plaisance, dans la région de la Petite Nation.
Je dois cette découverte à une amie FB de l’Outaouais. Remarquant que je vais souvent à Hull, elle m’a suggéré de prendre la 50 (sortie 197), et de m’arrêter à cet endroit vraiment pas ordinaire. Elle était persuadé que je trouverais ma visite vraiment ‘’plaisante’’.
Ça a été plus que ça. Moi qui aime être surpris et découvrir, j’ai été gâté par le Centre d’art populaire du Québec qui ressemble à aucun autre endroit,.
La petite maison en briques rouges qui abrite ce musée se trouve au 276 Desjardins, une rue au nord de la vieille 148, route mythique pour moi, car c’est celle que mon père prenait quand, enfant, nous allions à Montréal.
Voisine de l’église Coeur-Très-Pur-De-Marie (un morceau de robot pour le nom!), cette maison annonce ses couleurs de loin.
Il y a un violoneux sur le toit. Devant, un canot géant sculpté à la chainsaw dans une seule pièce de bois avec 5 passagers à son bord. Il y a des moutons faits en assiettes de métal dans le gazon, et même une sculpture de Guy Lafleur, gloire du village voisin de Thurso, portant fièrement son numéro 10, sur la galerie.
J’avoue que tout ça saisit un peu quand on descend de sa voiture.
Mais dès qu’on ouvre la porte du musée, on est accueilli par un très convaincant guide qui nous fait aimer immédiatement cet univers à la fois naïf et désintéressé, généreux et joyeux, appliqué et déjanté.
Mario Gravel a un mot et une anecdote savoureuse pour chaque artiste exposé à l’étage. Une autre guide nous attend au deuxième pour poursuivre la médiation culturelle. En en apprenant sur chaque artiste, on en apprécie que davantage leur travail.
Notre hôte commence par nous raconter l’histoire du lieu d’exposition qui existe grâce à la passion de son fondateur Olivier Favre. Ce Mulhousien faisait dans l’assurance dans son Alsace natale jusqu’au jour où il découvre cette belle région blottie sur le bord de la rivière des Outaouais. Il aime tant l’endroit qu’il décide de joindre le groupe d’investisseurs qui lance le Parc Omega, un parc animalier qui fait dans le safari made in Québec à Montebello.
Lorsqu’il se retire de ce projet en 2019, il consacre temps et argent à sa passion pour l’art populaire québécois, et crée ce centre pour héberger la production de ces nombreux artistes d’ici qui sont souvent snobés par le milieu de l’art et les collectionneurs locaux. N’eut été de lui, plusieurs œuvres auraient pris le chemin des États-Unis où l’art populaire québécois est très apprécié, m’a-t-on dit.
Il y a en effet des bijoux d’invention et de créativité dans ce qu’on peut voir exposé dans cette maison qui, surprise!, compte une rallonge moderne qu’on ne devine pas de la rue.
Le centre est donc immense, et cache une surprise de taille dans son sous-sol. J’y reviendrai.
Moi qui croyait faire le tour en 30 minutes, j’y ai passé une heure et demi.
Le Centre d’art populaire prend très au sérieux sa mission de musée. Les œuvres sont bien mises en valeur, autant en ce qui a trait à l’accrochage, qu’à leur explication et leur mise en lumière.
Parlons-en d’ailleurs des œuvres, à commencer par celles de Raymond Leroux (1935-2024). Cet ancien preneur de son a un jour repris l’idée de son grand-père et s’est mis à fabriquer des petits personnages en bois. Il en a fait des centaines, souvent articulés, toujours colorés. Un vrai de vrai gosseux! C’est émouvant de les voir tous au garde à vous, du plancher au plafond.
Dans le corridor, ce sont les sculptures de Léonard Croteau (1939-2012) qui s’offrent à la vue des visiteurs, dont un Tintin et son Milou, un capitaine Haddock, et Dupond-Dupont, ma foi tous fort ressemblants!
Le doyen des artistes exposés est Cléophas Lachance (1911-1989). On peut voir quelques éléments réchappés du Village historique du Nord qu’il avait créé dans la cour de sa résidence à Lafontaine dans les Laurentides. De la belle ouvrage!
Léon Ipperciel (1897-1981), lui, nous a entre autres légué des instruments aratoires miniatures en bois, d’une ressemblance exceptionnelle considérant que l’artiste a travaillé de mémoire. Il faut dire que ce petit-fils de cultivateur a longtemps été un membre actif de la coopérative agricole de Saint-André Avelin. Léon Ipperciel a aussi été maire de Notre-Dame de Bonsecours pendant 20 ans.
Je le précise, car faire de l’art populaire ne nourrit pas toujours son homme.
Prenez Lionel Labbé, il a attendu de prendre sa retraite, après 43 ans de médecine, avant de renouer avec le gossage. Et quel gossage! Il nous a fait un Félix Leclerc qui chante, un oiseau rare qui lui a valu un premier prix au concours du Créateur d’art populaire, et même un auto-portrait qui dit : ‘’Faut-il être fou pour faire de l’art populaire? Non, mais avoir quelques fils de lousse, ça aide’ ‘.
Rémi Dumas est pour sa part un retraité de l’agence de la conservation de la faune. Depuis 2018, il fait de la sculpture d’assemblage avec des objets récupérés comme les indestructibles boites de tabac Player’s en métal. Ça donne de curieuses créatures qui font sourire.
Michel Paradis (1951-2024) est plus fidèle à la nature. Ses oiseaux en bois semblent vrais.
Le Centre d’art populaire de Plaisance expose aussi des femmes artistes.
Dominique Erhmann, qui fait des courtepointes en 3D et immersive.
Il y a aussi Jacinthe Réhaume (1955-2023) qui, de son vivant, faisait flèche de tout bois si on peut dire. Ses personnages auraient été fabriqués à partir de branches de bois en forme de fourche, de là leurs jambes écartées. Aucune série ne ressemble à l’autre.
Après une vie de factrice, Francine Noël, elle, s’est mise à créer avec des ressorts, des moustiquaires, des vieilles lunettes de soleil , du fil de fer et des bouchons de liège. Le résultat est hallucinant.
Plus on avance dans le musée, plus les surprises s’accumulent.
Pouvez-vous imaginer qu’on sculpte dans un cure-dent ?
Marc Demers fait ça. Il faut l’aide d’une loupe ou la caméra de son téléphone cellulaire pour apprécier le détail. On est subjugué quand on aperçoit finalement le petit bonhomme qui escalade la paroi d’une montagne, attendu au sommet par sa petite famille.
Et quelle fascinante création que celle d’Alain Vachon qui a créé un orchestre symphonique au complet avec des bouteilles de sirop Gauvin et des balles de ping pong fondues. Un ravissement pour l’œil!
Misère! Dire que je ne connaissais aucun de ces artistes!
Sauf celui qui clôt la visite au sous-sol: l’incroyable patenteux pataphysicien Florent Veilleux (1941-2023). C’est autant une surprise qu’une fête de retrouver une partie de son travail dans l’immense sous-sol du Centre d’art populaire.
Ça tourne, bascule, monte, descend, fait un bruit d’enfer! Veilleux avait cet immense talent de redonner vie à des machines de toutes sortes pour tenir un discours sur l’absurdité de notre époque.
Ces artistes viennent de St-Etienne-des-Grès, Saint-Henri-de-Taillon, Montebello, l’Isle-Verte, Grenville-sur-la-Rouge, Trois-Rivières, Québec, Berthier-sur-Mer, Notre-Dame-de-Ponmain, Saint-Clément, et j’en passe, morts et vivants, ils ont façonné à leur manière notre identité culturelle.
Ce serait la moindre des choses de passer par Plaisance pour voir et saluer leur travail.