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Les grandes bibliothèques de Guy Berthiaume
12-07-2023

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Le 12 août, la campagne J'achète un livre québécois est terminée, mais on peut toujours en acheter un.

 

Je viens d’en lire un bon.

Fidèle à mes habitudes, ce n’est pas un roman, ni un polar. Pas plus de la poésie que des nouvelles, mais des mémoires. Celles de Guy Berthiaume, qui, dans les dernières années, a dirigé les destinées de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ-2009-2014) et Bibliothèque et Archives Canada (BAQ-2014-2019). Son livre s’intitule Mes grandes bibliothèques, mes archives, mes mémoires chez Del Busso éditeur.

Que voulez-vous, j’aime les récits de gens qui ont fait des choses hors de l’ordinaire, qui, par leurs souvenirs, racontent notre histoire. Même s’ils ne font pas partie de la ''liste A''!

J’avais trois raisons de m’intéresser à cet ouvrage.

La première. Comment ce batteur de la formation La Quenouille bleue, groupe musical humoristique des années 1970 réunissant entre autres Michel Rivard, Pierre Huet, Michel Hinton, Jean-Pierre Plante, Serge Thériault avait-il pu bifurquer à ce point?

Dans son livre, M. Berthiaume ne parle pas beaucoup de cette époque, mais dès les premières pages il nous dit, avec peu de modestie, à quel point il était doué à l’école (en tout cas il a bien retenu l’art de conjuguer au passé simple) se rendant jusqu’au doctorat en études anciennes à l’Université Paris VIII.

Ainsi Guy Berthiaume était davantage destiné à s’illustrer à l’université que de devenir le Ringo Starr québécois.

C’est d’ailleurs ce qui est arrivé. L’homme a fait carrière dans le monde universitaire (UdM et UQÀM principalement, et en gestion plus qu’en enseignement). ‘’Mes grandes universités’’ aurait pu être le titre du livre, car plus de la moitié de cet ouvrage porte sur ce milieu méconnu du grand public.

Ce n’est pas plate pour autant. Que d’intrigues dans cet univers qui carbure à l’excellence et à la notoriété, et toujours à la recherche de plus d’argent pour être à la hauteur de ses ambitions. L’auteur, qui a beaucoup travaillé en collecte de fonds, nous dévoile les coulisses de ce monde en perpétuel changement. En effet, les recteurs, les doyens et tout ce qui va en descendant dans ces lourdes administrations, ne cesse de changer. Lui-même change continuellement de poste.

Comme notre mémorialiste n’a pas la langue de bois, et qu’à 73 ans bien sonnés il n’a rien à perdre, il ne se gêne pas pour dire les choses comme il les a vécues, de juger les collègues comme il les a perçus. C’est sa version, sans personne pour la contester, et parfois ça grince pour ceux à l’égard de qui il aura eu des réserves.

À l’inverse, quand il est question d’employés et de collègues du milieu universitaire et de la fonction publique qui ont nourri ses nombreuses réussites, l’homme est généreux de ses éloges, et à l’évidence éternellement reconnaissant.

S’il se pète aisément les bretelles à propos de ses succès, Guy Berthiaume analyse avec beaucoup d’humilité ses moins bons coups.

L’autre raison qui m’a poussé à lire ce livre, c’est que je ne comprends pas la BAnQ. Je trouve que cette organisation, si prometteuse à son ouverture en 2005, s’est refermée sur elle-même au fil des ans, ne jouant pas le rôle que j’attends d’elle dans le pôle Quartier latin du Quartier des spectacles.

Le récit que Guy Berthiaume fait de son passage à la direction de cette société d’état m’a beaucoup éclairé. La frilosité des fonctionnaires du ministère responsable de cette entité explique beaucoup de choses. Le moins qu’on puisse dire, c’est que sur la Grande-Allée à Québec, on semble mal comprendre la réalité montréalaise et l’évolution du monde des bibliothèques.

De son passage à Ottawa, Guy Berthiaume garde le souvenir d’une fonction publique plus professionnelle et moins assujettie au politique, mais déplore la lenteur bureaucratique (un temps long qu’il qualifie de temps fédéral), le côté grippe-sous de sa ministre conservatrice Shelly Glover, et l’indifférence de sa sucesseure libérale, Mélanie Joly, pour tout ce qui concerne les livres et les archives.

Je vous le dis, ce livre nous instruit sur la gestion de la culture au Québec et au Canada. Rarement j’ai vu un mandarin s’exprimer sans filtre comme ça. Certains vont grimper dans les rideaux en lisant ses propos sur les syndicats dans les universités ou la grève des étudiants en 2012, mais personnellement j’ai aimé cette indépendance d’esprit.

Ce qui m’amène à la dernière raison pour laquelle j’ai eu envie de lire ce livre. Guy Berthiaume fait partie de mes amis FB. Je lis ses publications qui ont tout du bon bougre que son image projette.

Au fil des 350 pages de ses mémoires, on constate qu’il y a de ça chez cet homme. En vrac, voilà un adepte des idées claires et simples, curieux du monde, un leader tranquille, un épicurien, un amateur de Formule Un, et plus que tout un être fidèle en amour et en amitié.

 

Sa femme, Johanne Bégin, mérite d’ailleurs plusieurs bons mots de sa part. Et pour cause, derrière la grande carrière de cet homme il y a une épouse qui a permis la réalisation de ses ambitions. Mentionnons en guise d’exemple le chapitre sur le passage du couple à la Maison des étudiants canadiens (MEC) à Paris au début des années 2000. Gérer la MEC était un rêve de monsieur. Mais pour qu’il se réalise à la hauteur de la réputation de cette institution, il est essentiel que le conjoint soit grandement mis à contribution. Le passage sur l’organisation du 75e anniversaire de la maison est assez éloquent sur le rôle primordial que Johanne Bégin a eu dans la vie de son mari. Madame a mis beaucoup du sien pour faire un succès de la venue de la représentante de la Reine au Canada à cette occasion. Cette visite était d’autant plus significative qu’Adrienne Clarkson, alors GG, avait fréquenté la MEC dans ses jeunes années d’étudiante. Cette fois-là, en plus de bien d’autres on imagine, Johanne ‘’saved the Guy’’.

Dans son livre, Guy Berthiaume dit à plusieurs reprises combien le Québec est petit. C’est particulièrement frappant dans les hautes sphères où il a oeuvré.

Aussi, je n’ai pas été surpris, à la dernière page, celle des remerciements de l’auteur, de retrouver parmi les noms des personnes qu’il a consultées pour l’écriture de son ouvrage, des personnalités dont j’ai aimé les livres qu’on pense à Marc Laurendeau, Pierre Huet, Jacques Godbout et Christine St-Pierre.

Pour dire à quel point le monde est petit, en allant acheter mon exemplaire à ma librairie, Librairie Gallimard Montréal sur Saint-Laurent, j’ai appris que Christine St-Pierre mènera une conversation sur le thème du service public avec Guy Berthiaume (son ami) à cet endroit même le 7 septembre à 17:30.

Encore une fois, toutte est en toutte!

Et ce livre a fait ma joie de lecteur.

Que demander de plus en ce 12 août.

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