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Le Brutaliste
04-02-2025

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Le Brutaliste

Pourquoi aller voir ce film fleuve, 215 minutes, tellement long qu’on a senti le besoin d’y ajouter une intermission?

Pour le Lion d’argent à son réalisateur Brady Corbet?

Pour son acteur principal Adrian Brody, récipiendaire du Golden Globe du meilleur acteur?

Pour ses 10 nominations aux Oscars le 2 mars prochain?

Pour la rumeur, dithyrambique, qui dit, entre autres, que c’est aussi fort et éternel que Le Parrain l’a été en 1972?

 

Moi, j’y suis allé pour l’architecture, le ‘’brutalisme’’, cette manière de concevoir l’architecture apparue au début des années 1930, en rupture avec tout ce qui avait été fait jusqu’à alors, grâce à l’arrivée de nouvelles techniques de construction, et un produit d’autant plus miracle qu’il était économique: le béton! 

 

Voilà un style difficile à aimer, sinon à comprendre.

 

Le brutalisme, né en Allemagne, qualifié à ses débuts de dégénéré par le troisième Reich, a néanmoins eu un énorme retentissement à travers le monde. Jusque chez-nous au Québec, où il s’est coulé beaucoup de ciment dans la construction d’édifices gouvernementaux et universitaires dans les années 1960-1970.

 

Parmi les plus célèbres architectes brutalistes de l’histoire, il y a eu Marcel Breuer (1902-1981), un juif de Hongrie qui a fui l’Europe pour New York au moment où on a commencé à inquiéter les gens de sa race. On lui doit notamment le musée Withney à New York, un bâtiment de l’UNESCO à Paris, la magnifique chaise Wassily.

 

À l’origine du projet du film Le Brutaliste, c’est son parcours que le réalisateur Brady Corbet  et sa femme scénariste Mona Fastvold voulaient raconter. 

 

Pour avoir plus de liberté, ils ont plutôt décidé d’inventer un personnage de fiction. Oups! Un petit voyant rouge pour l’amateur de biographies en moi.

 

Toujours est-il que l’action du film se passe, non pas à New York, mais dans une Pennsylvanie en plein boum économique d’après-guerre.

 

En passant, il y a dans le film quelques documents d’archives fascinants sur l’extraordinaire croissance de cet État industriel reconnu pour sa production navale (Philadelphie), ses mines de charbon (Centralia) et son industrie de l’acier (Pittsburgh). Justement, c’est un très riche homme d’affaires ayant fait fortune dans cette industrie lourde qu’on suit dans son désir d’honorer la mémoire de sa mère en lui érigeant un temple qui aura une vocation à la fois culturelle, communautaire et religieuse.

 

Le nabab, de confession protestante, est subjugué par un architecte juif né en Hongrie, un László Toth inventé (Brody, très bon), dont le travail en Europe avant la Deuxième Guerre est célébré dans les plus grandes publications.

 

Il recrute cette sommité, inspirée de Breuer, dans une mine de charbon où, malgré ses compétences, l’homme est condamné à travailler en raison de son statut de réfugié. 

 

Toute la première partie, presque deux heures, sert à planter le décor.

 

L’arrivée en bateau de Laszlo à Staten Island, accueilli par la Statue de la Liberté (qu’on montre à l’envers), la prise en charge très émotive par son cousin, vendeur de meubles à Philadelphie, suivie d’une séparation brutale avec lui après une affaire qui tourne mal, les petits boulots, la vie dans les refuges, l’extrême solitude, car sa femme est toujours en Europe, la découverte du jazz, et le début d’une dépendance à la drogue par injection.

 

Ça fait beaucoup de pistes explorées en même temps, au détriment du brutalisme, la raison qui, personnellement, m’a attirée à aller voir ce film.

 

La première partie, où on voit très peu l’architecte faire des esquisses à sa table à dessin, s’achève sur la présentation de la maquette, la conclusion du contrat et l’érection des grues.

 

Intéressant jusque-là, malgré l’absence, à mes yeux, de ce qui fait qu’un architecte est un artiste aussi excessif et tourmenté qu’un compositeur ou un dramaturge.

 

Pendant la pause, alors qu’un chrono égraine les minutes à l’écran, j’ai eu 15 minutes à me bercer d’espoir que la deuxième partie du film remplirait les cases restées vides. Je pensais qu’on montrerait davantage l’architecte à l’œuvre, qu’on verrait son projet sortir de terre de manière plus concrète (concrete?). On ne voit même pas une coulée de béton!

 

Eh ben non, le reste du film nous conduit plus chez Dédale (personnage de la mythologie grecque qui a donné son nom à un mot qui désigne un endroit où on risque de s’égarer) que chez Gropius (Walter Gropius (1883-1969) fondateur du Bauhaus, l’école qui a donné naissance au brutalisme).

 

Ça m’a donné la même impression que le film Babylon dans lequel le réalisateur Damien Chazelle nous perdait dans une infinie de détails exaltés, nous éloignant toujours plus de son sujet : le passage du cinéma muet au cinéma parlant.

 

On parle peu dans le film du choc visuel que ces constructions brutalistes ont eu dans le paysage. On ne dit pas comment ce discours architectural radical a été reçu par la population. On n’explique pas vraiment les raisons qui faisaient prétendre à ceux qui ont inventé le brutalisme que leur art faisait triompher la beauté.

 

Comme un avion qui aurait des ailes de béton, le film ne décolle pas en deuxième partie.

On réussit même à gâcher une scène tournée dans l’incroyable carrière de marbre de Carrare en Italie.

 

L’histoire s’abîme dans un mélange emprunté à Hitchcock et Pasolini.

Bof, bof, bof.

 

On quitte la salle au son d’une chanson insupportable et pas rapport qui torpille même le générique qu’on a essayé de faire original. La facture de ce générique, qui m’avait semblé intéressante au début du film, m’est soudainement apparue comme complètement emprunté.

 

Finalement, j’ai eu plus de plaisir à partir à la découverte du brutalisme montréalais qu’à me farcir ce film qu’on m’avait survendu.

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