
photo: Pierre Dury
Habitat 67
15-09-2025
Ça fait longtemps que c’est à mon programme, c’est finalement coché, j’ai fait la visite guidée d’Habitat 67! Ce lieu ne fait pas partie des endroits où je ne suis jamais allé.
Je me rappelle y être allé au moins deux fois. En 2009, pour un topo lorsque la ministre de la Culture, Christine Saint-Pierre, a décidé de classer Habitat 67, monument historique. Son classement incluait aussi les unités appartenant à l’architecte Moshe Safdie, le père de ce projet qui avait fait sensation à Expo 67.
Mon autre visite remonte à 1967 pendant l’exposition universelle. Ce projet, tellement futuriste à l’époque, était la première chose qu’on pouvait visiter sur le site puisque situé à la Cité du Havre.
Ce dont je me souviens est très vague. Avec mes parents et ma grand-mère, nous avons pu voir, par la fenêtre, l’appartement de l’animateur-vedette Jacques Fauteux et de la comédienne Gisèle Mauricet (native de Hull et connue de moi pour son rôle de Délicat dans l’émission ‘’Grujot et Délicat’’).
Que le couple ait habité là est plausible, car j’ai découvert dans mes recherches qu’ils étaient les présentateurs de la cérémonie d’ouverture d’Expo 67 à la télévision de Radio-Canada et qu’ils ont animé par la suite une quotidienne pendant la durée de l’événement. Aussi incroyable que cela puisse paraître, je n’ai trouvé aucune photo de ça.
L’histoire d’Habitat 67 est tellement riche que je me suis dit achètes-toi un billet (58$ avec taxes) et fais-toi raconter l’histoire par quelqu’un qui la connait. Je n’ai pas regretté un instant. *
La visite dure une heure et demie et on fait le tour de la question. Du contexte d’urgence dans lequel ce projet a été élaboré (la construction a commencé en 1965!!!), jusqu’à la visite de l’appartement vintage de Moshe Safdi, en passant par les procédés de fabrication (une usine a été construite sur place pour fabriquer les cubes), et les multiples anecdotes qui viennent avec un tel défi technique (comment faire tenir des cubes empilés les uns par-dessus les autres?) et culturel (Safdi est né dans un kibboutz à Haiffa en Israël et transplanté dans un Québec qui sort de la grande noirceur).
Au milieu des années 1960, tout le monde n’adhérait pas aux idées avant-gardistes du jeune architecte de 27 ans qui, apparemment, ne se prenait pas pour un Seven-up.
Il a failli quitter le bateau quelques fois, notamment quand on a voulu confier la décoration des appartements aux stylistes du magasin Eaton. Son goût pour les lignes épurées et les couleurs sobres était à mille lieues du style ronflant de la chaîne torontoise.
On en a la preuve lorsqu’on pénètre dans le logement qu’il a habité.
Le 1011 est baigné d’une lumière généreuse et dispose de vues spectaculaires. La cuisine avec son éclairage diffusé par des luminaires posés au-dessus et en dessous des armoires, les appareils électroménagers fabriqués spécialement par Frigidaire, le plancher en bouleau sans motif, mais dont le sens de la marqueterie porte le regard vers l’extérieur, l’absence de plinthes électriques, juste une fente au plancher pour l’air chaud ou froid, selon la saison, les portes coulissantes ou battantes, un moustiquaire qui se dissimule dans le mur pour la porte-fenêtre, des bacs à fleurs avec système d’arrosage intégré…. tout, tout, tout est pensé.
J’ai plusieurs fois pensé à ma visite de la Cité radieuse de Le Corbusier en mai dernier à Marseille.*
Les deux architectes ont voulu créer des complexes résidentiels qui favorisent la vie communautaire. Chacun a son lieu de vie, avec sa porte, mais tout est organisé pour que les gens se rencontrent. Il y a des rues (des couloirs), des espaces communs, mais chacun a droit à sa vie privée. De l’intérieur, on ne voit pas chez le voisin.
Aussi, les deux ont utilisé le béton. Selon notre guide cependant, Safdi trouvait Le Corbusier trop rigide et pas assez organique. Il ne se considérait pas du tout comme un architecte brutaliste. Son béton à lui était lisse et beaucoup plus pâle, à l’origine du moins. Disons que Safdi n’est pas très reconnu pour son ouverture non plus. Ses exigences persistent 60 ans plus tard. Les résidents sont contraints aux rideaux blancs, aucune couleur n’est acceptée dans les espaces communs, et les propriétaires qui ont obtenu le droit d’hiverniser leur balcon ont dû le faire selon le plan dessiné par Safdi lui-même. Ce ne sont là que quelques exemples d’exigences qu’il avait. Ajoutez à ça le fait que l’édifice est désormais classé, et ça donne un environnement où vivre plutôt contraignant.
J’imagine que les gens qui choisissent d’y vivre trouvent plein d’avantages à vivre en retrait de la ville (mais en la voyant quand même de leurs fenêtres), à côtoyer le fleuve qui bouillonne à cet endroit, et à se la couler douce dans un cadre chargé d’histoire.
Chaque fois que je passe en vélo devant les pyramides de Moshe Safdi, il y a toujours des touristes qui prennent des photos. Habitat 67 est un objet de curiosité internationale.Notre groupe était constitué de 5 personnes (un nombre idéal, notamment parce que l’ascenseur ne prend que 6 passagers à la fois).
J'étais le seul Montréalais. Il y avait quatre Français, et un Suisse. Nous avions en commun le français, et la passion de l'architecture. Ce fut un bien bel après-midi….à Montréal!
Merci à Julie Bélanger d’avoir créé ces visites guidées d’Habitat 67 et aux résidents d’accepter les visiteurs sur leur propriété.






















