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CHRONIQUE DISQUE: Pierre Flynn, Milk & Bone, The Loodies, Jérome Minière

06-04-15

Pierre Flynn, Sur la terre, Audiogram

 

Depuis 1972 que sa voix est imprimée sur le disque dur de notre mémoire. Avec un organe pareil, impossible d’oublier Pierre Flynn, même s’il laisse un intervalle de 14 ans entre deux disques de pièces originales. Dans ce cas-ci entre Mirador (2001) et Sur la terre (2015). Ce n’est pas en vain que l’auteur-compositeur-interprète laisse ainsi fuir le temps. À chaque retour, il est toujours aussi pertinent. Cet homme a l’œil ouvert sur ce qui l’entoure. Il s’inspire de ce qu’il voit et de ce qu’il vit pour écrire et ne s’autorise à prendre la parole que s’il a quelque chose à dire.

 

À l’écoute des 11 chansons de ce nouveau disque, on constate que Pierre Flynn était mûr pour réapparaître. A 60 ans, il évoque la vie de couple qui passe trop vite (magnifique 24 secondes), il traduit le désarroi du parent qui voit son enfant de 20 ans prendre son envol (touchante Si loin si proche), s’interroge sur la fin des temps (mélancolique Tout blanc, tout bleu)  ou s’imagine tel un survivant (flynnienne Le dernier homme). On retrouve l’orfèvre des mots, le poète au long cours qui nous amène à Casablanca (L’accompli et l’inaccompli), en Abitibi en 1933 sur les traces de sa mère (Duparquet) ou sur un navire qui perd le nord (Capitaine, Ô Capitaine). À l’écoute de Étoile, Étoile,  on ne peut pas ne pas remarquer l’influence de Gaston Miron. À n’en point douter, le projet 12 Hommes rapaillés a été une émulation.

 

Flynn signe toutes les musiques mais il a confié les arrangements et la réalisation à Louis-Jean Cormier, Éric Goulet et Philippe Brault, trois étoiles de la musique québécoise actuelle. Résultat, cet album possède un son varié, riche, de son temps tout en étant pérenne. On est bon pour une couple d’années……

MILK & BONE, Little Mourning,  Bonsound

 

Milk & Bone est un duo montréalais formé de deux jeunes filles, début vingtaine, qu’on avait déjà remarquées dans les  projets de Misteur Valaire, David Giguère, Alex Nevsky ou Ariane Moffatt.  Dans l’ombre de ces vedettes, Camille Poliquin et Laurence Lafond-Beaulne brillaient déjà.

 

Dans une sorte d’alchimie, l’union de leurs deux personnalités a généré un calcium créatif. Comme le lait donne de la force aux os, la voix de Laurence Lafond-Beaulne donne de la puissance à celle de Camille Poliquin. Ou inversement car on ne sait plus trop qui est qui lorsque lorsqu’elles chantent en harmonie. Malgré la fragilité qui se dégage de leurs chansons toutes en douceur, il y a quelque chose de fort, de déchirant, dans le timbre qui émane de ce duo. Peu importe qu’elle nous chante des histoires d’amour de midinettes, on succombe au magnétisme de leur électro-pop. Pour moi ce sont les jumelles d’Ariane. Après 10 ans de présence, Ariane Moffatt commence à avoir des émules. Oui, oui, c’est de ce calibre-là.

 

Comme elles chantent en anglais, il se pourrait bien que leur succès déborde de nos frontières. Elles sont bien parties pour ça, le 21 avril  Milk & Bone fera la première partie de la française Christine and The Queens à New-York. 

The Loodies, Indica

 

Dès leur premier disque, j’ai été emballé par The Loodies. Outre le fait que ce soit des amis de mon fils, j’avais accroché au son singulier de cette formation qui marchait dans les traces des grands frères montréalais Arcade Fire et Patrick Watson. Après un disque solo en français pour le leader du groupe Ludovic Alarie (avec Adèle Rivard musicienne de Louis-Jean Cormier) et un rôle principal pour la claviériste Lysandre Ménard dans le film de Léa Pool La Passion d’Augustine, revoici The Loodies avec un deuxième disque éponyme.

 

La singularité est toujours au rendez-vous. Ça tient encore beaucoup à la voix de Ludovic Alarie qui, parce qu’elle n’est pas forte, pas du genre La Voix, impose une gracilité à la facture musicale du groupe.  Cette fois c’est Warren C. Spicer de Plants and Animals qui assure la réalisation. On est dans le même registre artistique.

 

Dans le projet Loodies, c’est Ludovic qui écrit les textes et compose les musiques. Les textes, en anglais, sont accessoires pour ne pas dire brumeux. C’est du côté de la musique que ça se passe. Ludovic assume totalement ses influences qui puisent, de son propre aveu, autant à l’album blanc des Beatles qu’à la musique de Malajube. Cette matière brute du compositeur se transforme ensuite au gré d’improvisations avec les musiciens du groupe : Lysandre Ménard aux claviers, Jérémy Delorme à la guitare électrique, Sacha Woodward à la batterie et Étienne Dextrase-Monast à la basse. La violoniste Jessica Moss ajoute sa touche de temps à autre.

 

Pour quelqu’un qui, comme moi, a vécu les années 70, ça rappelle des souvenirs. Pour les plus jeunes, c’est une façon de s’approprier un son qui reste toujours aussi intéressant à écouter. 

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Jérôme Minière, Une île, La Tribu

 

Ça fait 10 ans que Jérome Minière est parmi nous. Bien intégré au Québec, l’auteur-compositeur-interprète a cependant gardé de son pays d’origine, la France, le souci des mots. Manifestement, pour lui, une chanson doit dire quelque chose. De fait, les textes de ce fin observateur fourmillent de réflexions qui parlent de nous aujourd’hui. Il a la délicatesse du Petit Prince dans sa manière de raconter nos travers et nos contradictions (Croire que c’est la fin du monde et faire des enfants sans hésiter une seconde), d’illustrer la vie bric à brac qui est la nôtre (J’ai la forme mais pas le fond) et de stigmatiser la bêtise ambiante (Se faire pousser une moustache d’Hitler en pensant que c’est celle de Chaplin). Pas de jugement à l’emporte-pièce juste des images et des formules qui portent….Et ce n’est pas parce que c’est cérébral que ce n’est pas musical. Chaque chanson a droit à son univers…Une île au stylo bille est une sorte de blues électro, Ressources minières prend des couleurs bossa, Appuyer sur stop rappelle la simplicité de Brassens etc….

 

Il y a 14 morceaux pour un total de 55 minutes de musique. Un disque généreux.

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