
photo: Pierre Dury
Mon choix du 12 août: Dans l'ombre du mont Royal
12-08-2025

Ainsi donc le Parti Québécois a repris le comté d’Arthabaska qu’il avait perdu il y a plus de 20 ans. Éric Duhaime n’a pas réussi à faire d’Arthabaska une circonscription conservatrice, ce qu’elle a été lors des premières élections législatives québécoises de 1867 avec la victoire d'Henry Keene Hemming (1823-1905). Ce natif de Londres a été battu à l’élection suivante, en 1871, par un jeune politicien de 30 ans qui en était à ses débuts en politique, Wilfrid Laurier.
Il y a donc 154 ans entre la première élection de Wilfrid Laurier et celle d'Alex Boissonneault.
Tout ça pour dire que la politique est faite de perpétuels retournements, ce qui est d’ailleurs au cœur du roman historique dont je viens justement de terminer la lecture et qui met en vedette l'homme qui figure sur nos 5 piasses.
Dans l’ombre du mont Royal, est une brique de 545 pages de Sylvain-Claude Filion qui nous a donné une formidable biographie de Béatrice Picard en 2018.
L’action se passe principalement à Montréal vers la fin des années 1890 alors que Laurier s’apprête à devenir premier ministre du Canada.
Ça vaut la peine de le rappeler, Laurier est au quatrième rang des premiers ministres canadiens qui ont régné le plus longtemps. Il a été premier ministre du 11 juillet 1896 au 6 octobre 1911. 15 ans. Quand même!
En toile de fond, il y a plusieurs intrigues dont une enquête (fictive) pour retrouver la fille illégitime du politicien de Saint-Lin. C’est ce qui explique le titre de ce tome 1: Le secret de Wilfrid Laurier.
J’avais commencé à lire ce livre en début d’année 2024 alors que l’auteur l’avait publié sous forme de feuilleton, disponible sur le web sous le titre Les jours du Dominion.
J’avais fait une excellente critique des premiers chapitres sur avenues.ca.
Malgré que j’avais adoré l'entrée en matière, j’avais abandonné ma lecture. Je n’aimais pas la formule épisodes, ni la lecture sur tablette.
Aussi j’ai été très content lorsque les éditions Flammarion ont décidé au début de l’année 2025 de publier en version papier cette fascinante fresque historique de chez nous formidablement écrite.
Claude-Sylvain Filion a un style alerte et pimpant, serti d’un vocabulaire qui fait honneur à la richesse de la langue française, doublé d’une rigueur historique plutôt implacable.
À chaque fois que j’ai été tenté de contre vérifier des faits historiques qu’il utilise dans son histoire, l’auteur était sur la coche y compris lorsqu’il décrit le visage de personnages historiques ayant réellement existé qui traversent son récit. Je pense notamment au portrait qu’il dresse de Sir Joseph-Adolphe Chapleau, lieutenant-gouverneur du Québec de 1892 à 1898.
Mais le récit n’est pas que corseté dans l’Histoire avec un grand H. L’auteur a inventé des personnages qui ont autant de panache que les Wilfrid Pelletier, Israël Tarte, lord Aberdeen, Sir Charles Tupper, Mgr Laflèche et compagnie qui habitent son livre.
Mademoiselle Barély, Phineas Madigan, le curé Sévigny, le peintre Jean-François Kerouac, le poète Frédéric Delwaert ont des noms digne du jeu Clue. Je dis ça pour induire l’idée qu’il y a aussi du suspense dans ce roman.
À défaut de chanter, la soprano Barély grenouille dans une société secrète, l’administrateur irlandais Madigan mange à tous les râteliers, le curé Sévigny dissimule un document incriminant dans la couverture en cuir d’un livre, le sujet du peintre Kerouac, le poète énamouré Delwaert, se défenestre, voilà quelques uns des rebondissements à la clé de cet ouvrage.
Ma fascination a atteint son comble lorsque j’ai vu au cinéma Lumière, l'aventure continue regroupant les premiers films des frères Lumière. Dans ces films tournés en 1895, on voit la mode de l’époque pour les femmes et les hommes, les fiacres, l’effervescence urbaine à Paris. La description que Filion fait de Montréal, grande métropole nord américaine de l’Empire britannique, correspond. Il y avait ici un rythme semblable, mais à l’ombre du mont Royal.
On se déplace en fiacre, on se presse aux premières de l’Opéra français, les journaux font l’opinion, dans les demeures cossues, avec servantes et majordomes, on fait des festins arrosés d’une variété de vins, on évoque même le passage de la Divine Sarah Bernhardt à Montréal ces années-là.
Pour le Montréalais que je suis, ça a été un bonheur de me téléporter dans le temps et de m’imaginer tous ces endroits montréalais que je connais alors qu’ils étaient nouvellement construits, ou tous ceux qui se sont transformés au fil des ans (comme le square Chaboillez), ou qui ont tout simplement disparus (comme la maison Strathcona du richissime Donald Smith, mécène de l’Hôpital Victoria, demeure luxueuse voisine de l’actuel Centre canadien d’architecture, à côté de chez moi!).
Pour savoir, entre autres, si la fille de Wilfrid Laurier vit toujours et ce qu’elle est devenue, et le dénouement des multiples autres intrigues, il faudra attendre le tome 2.
Moi qui n’ai jamais mordu aux romans historiques, me voilà condamné à attendre la suite.
Il y a parmi certains personnages de ce récit (les membres de la loge du Lys), le même espoir que le nouvel élu d’Athabaska, Alex Boissonneault, de faire du Québec un pays.
Devinez quel livre je vous suggère en ce 12 août, journée ‘‘J’achète un livre québécois’’ ?