
photo: Pierre Dury
Niki de Saint Phalle au MNBAQ: un paradis fantastique
21-08-2025
Quand je ferai le bilan de mon année culturelle en décembre, je crois que je pourrai dire que ça a été une année Niki de Saint Phalle, comme 2023 a été une année Riopelle.
Entre autres à cause de la joie ressentie en visitant l’exposition que lui consacre le Musée national des beaux-arts du Québec jusqu’au 4 janvier 2026.
Il faut dire que j’ai eu, avant cette visite dans la Vieille Capitale, quelques beaux contacts avec le travail de cette artiste autodidacte née en France en 1930 et décédée à San Diego en 2002.
En voyage au printemps à Paris et à Marseille, Niki de Saint Phalle faisait partie de plusieurs des expositions que j’ai visitées. Trois expos mettaient en vedette ses ‘’Nanas’’, ces sculptures de femmes enrobées qu’on pourrait dire inspirées des vénus paléolithiques.
J’ai donc vu une de ses Nanas noires dans l’exposition Corps et âmes à la Bourse de Commerce de Paris, une Nana acrobate dans une exposition sur le cirque au MUCEM de Marseille, et, dans l’exposition Robert Doisneau au Musée Maillol, une photo de Niki et ses Nanas à l’atelier.
Si j’ajoute la Nana que j’ai vue à l’entrée du Musée d’art contemporain de Lisbonne l’an dernier, et celle qui m’a beaucoup marquée, exposée en plein air sur la rue Sherbrooke à Montréal dans le cadre de l’évènement Balade pour la paix en 2017, ça fait beaucoup de Nanas!
Mais Niki de Saint Phalle ce n’est pas seulement ça, comme nous le montre l’exposition du MNBAQ en près de 150 œuvres.
On réalise que cette femme artiste plutôt méconnue a un parcours aussi varié qu’hallucinant. Son œuvre colorée exhale le bonheur. Cela détonne avec ses débuts où elle peignait en tirant à la carabine sur des portraits de son père abuseur.
Un jour, Niki de Saint Phalle a fait le pari d’apporter de la joie aux gens par son travail.
‘’J’ai compris qu’il n’y a rien de plus choquant que la joie.’’
J’adore cette citation qui induit que la joie possède un pouvoir de résistance.
C’est ainsi que Niki de Saint Phalle a développé un style joyeux et accessible qui lui a permis de rallier différents publics à des causes qui lui tiennent à cœur comme l’écologie, le féminisme, les injustices, le sida, la maltraitance des animaux, etc.. Même les enfants succombent à son travail, car sa pratique de l’art est principalement ludique.
Après s’être fait connaître par sa manière généreuse de célébrer la rondeur chez les femmes, elle a exploré la maigreur avec de nouveaux personnages qu’elle a appelés ses ‘’Skinnies’’.
Elle s’est aussi intéressé au monde du Tarot. En 1978, elle crée un grand jardin en Toscane comprenant les vingt-deux arcanes majeures de ce jeu de cartes. Les maquettes qu’on nous présente sont fabuleuses.
Cette femme est une besogneuse. Elle produit sans arrêt, au détriment de sa santé.
Quand elle ne fait pas dans le monumental, elle fabrique des meubles, des pots de fleurs, des bibelots. Elle imprime des affiches, des livres. Elle imagine des sculptures fontaines, des parfums. Elle a souvent commercialisé ses créations pour financer ses projets ce qui lui a nui auprès des spécialistes de l’Art.
Tant pis pour les puristes, aujourd’hui quand on se promène d’une salle de cette exposition à l’autre, on a le sourire aux lèvres.
Les dernières salles sont comme une apothéose. Il y a de l’joie, de la couleur, mais une urgence mêlé à de la sagesse aussi. Ce sont ses années passées aux États-Unis où elle s’attaque à des projets costauds comme rendre hommage aux héros de la culture noire. Ses sculptures géantes de Louis Armstrong, Miles David et Josephine Baker sont particulièrement saisissantes.
L’artiste a alors autour de 70 ans et elle nous impressionne par sa force de travail, sa capacité à se renouveler, son opiniâtreté à continuer de créer.
Dans un maelström de couleurs chaudes comme San Diego, la ville qu’elle habite, les dernières œuvres qu’on peut admirer nous font la joie supplémentaire d’être animées. Les éléments représentés dans le tableau se font et se défont.
On y voit un hommage au sculpteur suisse Jean Tinguely (1925-1991), adepte du mouvement dans l’art. Tinguely a été son compagnon de vie, celui avec qui elle avait créé ‘’Le paradis fantastique’’ sur le toit du Pavillon de la France à Expo 67.
Tiens, j’emprunterais bien ce titre pour qualifier l’exposition Niki de Sain Phalle. Les années 1989-1990: l’art en liberté : un paradis fantastique!
