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Salut Serge!
15-07-2025

L’hommage national à Serge Fiori (1952-2025) avait lieu aujourd’hui 15 juillet, 15 heures, Place des arts, Montréal, Québec. Ciel bleu, soleil franc, chaleur enveloppante, l’équivalent pour moi de la journée parfaite d’été, cette saison qu’a si bien célébré la chanson Dixie.

En plus, j’ai eu le privilège d’être invité, accompagné, à cet événement, disons-le, historique pour tout amateur de musique québécoise.

J’y reviendrai parce que c’est trop surréaliste d’avoir eu de si bonnes places pour vivre cet adieu à une légende.

Allons-y d’abord par le fil des événements.

À la suite du décès surprise de Serge Fiori, le jour de la Fête Nationale, le Gouvernement du Québec a offert à la famille de tenir des funérailles nationales.

L’offre a été acceptée, mais pour une célébration laïque. Fiori était spirituel, autrement. Merci mon Dieu, on s’est évité les procession, homélie, lecture des évangiles, offertoire, communion, eucharistie et tutti quanti.

À ce que qu’on m’a dit, ça aurait pu être au St-Denis, n’eut été de Chicago à l’affiche.

Qu’on soit convié à dire au revoir au leader d’Harmonium à Wilfrid-Pelletier a permis de régler une omission de l’Histoire: (sauf erreur) le groupe de Fiori ne s’est jamais produit dans la grande salle de la Place des arts! À Montréal, on a plutôt applaudi Harmonium à la Casanous, à l’Évêché, à l’Outremont, au Port-Royal (aujourd’hui Duceppe), à la Place des Nations, au Cepsum, sur le mont Royal….

La grande salle était donc remplie à capacité, de dignitaires, d’invités de la famille, de gens qui ont compté pour Serge, et de fans, en grand nombre, qui ont fait vibrer l’amphithéâtre à plusieurs moments, particulièrement à chaque évocation du pays à faire, une des grandes convictions du disparu. Il n’aura jamais vu ça de son vivant, et ce n’est pas faute d’avoir essayé de convaincre ses semblables:

Reste par icitte par' ça s'en vient

Si c't'un rêve, réveille-moi donc

Ça va être notre tour, ça sera pas long

Reste par icitte par' ça s'en vient

La cérémonie, à cheval entre recueillement, réjouissance et spectacle, a commencé de manière solennelle avec 7 proches déposant au pied de l’urne du défunt chacun un chandelier, du nombre l’animateur André Robitaille, Blair Thomson (Riopelle symphonique), Simon Leclerc (Harmonium Symphonique), Dina Gilbert (cheffe d'orchestre), Réal Desrosiers (batteur de Beau Dommage et ami d’enfance de Fiori).

S’est ensuite avancé sur la scène l’ancien voisin de Longueuil, Luc Picard qui a fait de manière magistrale le portrait de celui que nous étions venus saluer.

Il y avait même à ses côtés le beau Henri, fils de Luc et Isabelle Richer, qui, selon l’anecdote racontée, a un jour dit à Serge, du haut de ses 4 ans, de faire une autre chanson qu'Un musicien parmi tant d’autres que le chanteur avait, contre toute attente, commencé à interpréter dans le salon avec sa guitare.

Et, de conclure Luc Picard, Fiori a obtempéré en riant, parce que les enfants ont toujours raison de l’avis de celui qui n’a jamais perdu son émerveillement d’enfant.

Vous voyez la scène?

Un hommage, senti, personnel, avec un exemple concret, et Serge était là parmi nous, bien plus qu’en cendres.

Le metteur en scène de cet hommage, Dominic Champagne, qui a un jour regroupé les Beatles sur scène, est un grand mage qui a le secret des missions impossibles, et qui sait comment nous revirer le cœur à l’envers.

 

Après avoir demandé à Luc Picard de nous brosser le porter de l’homme Fiori, il frappe un premier grand coup en convoquant sur scène les représentants de cette époque mémorable où les notes de guitare ont déferlé sur le Québec.

Du noir surgissent, guitares en bandoulière, les idoles de nos années 70, Michel Rivard, Richard Séguin, Gilles Valiquette, et ceux qui ont perpétué le genre, Paul Piché, Marc Pérusse, et le petit Vallières.

Un choc de les voir tous accompagner Fiori sur bande.

À peine remis, à peine séchées les larmes, voilà que nous apparaissent presque tous les musiciens d’Harmonium: Louis Valois, Serge Locat, Monique Fauteux, Libert Subirana et Pierre Daigneault, même que c'était la première fois que les deux flutistes jouaient ensemble sur scène. 

Au moment où on se dit que tout ça est trop beau, trop irréel, Judi Richards débarque avec une voix qui n’a pas pris une ride, si invitante, si ensorcelante, qu’on a l’impression que son ami Serge va sortir de l’urne et s’envoler sous nos yeux.

Je ne peux pas revenir sur chacun des moments musicaux, car il y en a eu trop. Voilà l’avantage de faire l’économie des Notre Père et autres Je vous salue Marie.

Un mot quand même sur le house band. Il y avait Paul Picard aux percussions, François Lafontaine aux claviers, et ceux que le Padre (surnom donné à Fiori) appelait ''ses fistons'', Guillaume Chartrain à la guitare, et Alex McMahon à la direction musicale. Ne manquait que Louis-Jean Cormier. Ce dernier a quand même fait une  apparition vidéo. En voyage à Paris lui aussi, Michel Normandeau, membre fondateur du trio en 1974, a été excusé par Louis Valois, le troisième larron d'Harmonium.

Permettez-moi aussi d'y aller de quelques coups de cœur. Quand Richard Séguin a sorti sa voix des grandes occasions pour Ça fait du bien, quand Monique Fauteux a repris Le Corridor, quand Klo Pelgag a entonné Comme un sage, et le summum, Philippe Brach s’emparant de Chanson noire dans un mélange de désinvolture et de tout-pour-le-tout. Le sacripant, qui chantait sur ses bas, a rompu mon barrage lacrymal personnel.

Il faudra qu’on m’explique un jour qu’est-ce qui se passe quand, à l’écoute d’une chanson, on se met à pleurer sans pouvoir s’arrêter.

La cérémonie a aussi été l’occasion d’entendre plusieurs témoignages d’amis de Serge Fiori. Celui de Michel Rivard était digne de ce parolier si habile à dire les choses, une maille en gravité, une autre en humour. J’ai retenu la grande amitié qui le liait à celui qui fut son ancien coloc. Michel Rivard a tenu à répéter combien aucune rivalité n’existait, ni n’existe encore aujourd’hui, entre ces artisans qui ont travaillé pour la même cause: la musique.

Dans les témoignages, j’aurais aimé entendre, parmi tous ceux qui ont collaboré avec Fiori, quelqu’un raconter sa relation avec la musique orchestrale, symphonique.

Ce qui a beaucoup été répété par contre, par Régis Labeaume, Michel Barrette, Normand Brathwaite, c’est combien leur ami Serge aimait rire, niaiser, cabotiner. Un exutoire à l’anxiété probablement, car on a bien saisi que Fiori a été autant le Jean qui rit que le Jean qui pleure.

Un proche du Saguenay m’a confié, après la cérémonie, que c’est avec le sourire que Serge Fiori a fermé les yeux pour toujours. Voilà qui rassure.

En tout cas, Serge aura su qu’il était aimé.

Le nombre de ses chums qui nous ont confié lui avoir dit de son vivant est assez phénoménal. Ils l’ont en plus répété devant nous en prenant l’urne à témoin.

C’était un bien bel hommage, et heureux ceux qui, comme moi, ont pu y assister.

Je ne sais pas trop ce que j’ai fait dans ma vie pour mériter cet honneur, mais j’en suis extrêmement reconnaissant. Je soupçonne qu’il y a du Nicolas Lemieux (manitou qui a rendu possible plusieurs projets de Serge Fiori ces dernières années) et Élisabeth Roy (efficace attachée de presse des grandes occasions) derrière ça.

Il y avait dans la salle des gens de tous les horizons à commencer par le Premier ministre. On a le même âge et Fiori a eu le même impact sur le PM et moi. Je me suis reconnu dans l’allocution de François Legault, une fois n’est pas coutume!

Pas pour lâcher des noms, mais pour donner la mesure de l'aéropage réuni, rangée B, j’avais pour voisin Bernard Derome (mon idole en info télé) d'un côté, et de l'autre, ma blonde, celle avec qui j'ai beaucoup écouté Harmonium depuis 50 ans. Quelques bancs plus loin, il y avait le seul et unique Luc Plamondon accompagné de Madeleine Carreau, celle qui a fait entrer Fiori à l'OSM. Devant, rangée A, un A+ de la liste des A: Stéphane Laporte. Derrière, rangée D, Paul Arcand, ami de Fiori, Pierre-Karl Péladeau, PDG de Québecor (entreprise qui a hommagé Fiori en 2023), son frère Érik, et Manon Blanchette, la veuve de Pierre Péladeau. Il y avait également les Beau Dommage Pierre Huet (qui a contribué, ai-je appris, à l'écriture la chanson Juste pour rire de Fiori) et Marie-Michèle Desrosiers. Un peu plus loin Alain Simard (qui m'a rappelé avoir habité la même commune que Serge Locat, claviériste d'Harmonium), l'ancien collègue de La Presse, Alain De Repentigny. Il y avait aussi les deux Daniel qu'il m'arrive de confondre: Gélinas l'ancien dirigeant du Festival d'été de Québec, et Lafrance, DG de la maison d'édition Éditorial Avenue, propriété de Québecor, qui gère près de 7 000 oeuvres musicales originales.

 

Et ça continue comme ça, sur 30 rangées du parterre de WP. Aussi bien dire qu'il y avait du monde à messe, certainement la plus grande messe païenne à avoir eu lieu à la PDA! En tout cas, l'événement a bénéficié d'une présence policière jamais vue, foi de François, chef d'équipe des placiers, qui travaille dans la maison depuis 33 ans.

Comme a dit quelqu’un au cours de la cérémonie, le temps passe, vite, très vite. Normal qu’on en perde en chemin. Dans le cas de Serge Fiori c’est bien trop tôt, mais au moins sa musique continuera de nous accompagner. Juste entendre la salle chanter a cappella ‘’On a mis quelqu’un au monde on devait peut-être l’écouter…’’ on sait que c’est pour longtemps!

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