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Et la fête continue!
23-12-2023

L'engagement, c'est une ligne de force dans l'oeuvre cinématographique de Robert Guédiguian (Marius et Jeannette, Les neiges du Kilimandjaro, Twist à Bamako). Son plus récent film n'y manque pas non plus.

Et la fête continue nous amène encore une fois dans la ville de naissance du réalisateur, la lumineuse Marseille. Si vous êtes un habitué de son univers, vous retrouverez sa famille habituelle : les comédiens Ariane Ascaride, Jean-Pierre Daroussin et Gérard Meylan, sans oublier Serge Valletti à l’écriture. Il y a aussi de nouvelles têtes (pour moi en tout cas) : Lola Naymark, Robinson Stevenin, et Grégoire Leprince-Ringuet.

Sans surprise, tout ce beau monde est appelé à endosser des rôles de militants. À 70 ans, Guédiguian ne désarme pas, il a toujours le cœur à gauche, même s’il a perdu beaucoup de ses illusions. Dans ce film aux allures de bilan, il convoque à la barre Rosa (Ascaride), qui doit son nom à Rosa Luxembourg. Infirmière fatiguée sur le bord de la retraite, cette ancienne communiste milite maintenant avec les écologistes. 

Il y a aussi Alice (Naymark), très impliquée dans le communautaire. Elle a fondé une chorale pour donner une voix aux gens qui fréquentent son centre qui a tous les attributs d’un comptoir Emmaüs, mais nettement orienté vers la gauche. La chanson qu’ils pratiquent? Emmenez-moi de Charles Aznavour. Tiens, tiens un Arménien! Comme son amoureux, Sarkis (Stévenin), le fils d’Alice, proprio d’un bar qui sert de repaire aux Arméniens de Marseille.

Et voilà que débarque Henri (Daroussin),  une sorte de sage qui sait manier les mots. En tentant de renouer avec sa fille Alice, il tombe en amour avec Rosa. Il  encourage cette dernière à se présenter à la mairie, à la tête d’une liste de toutes les forces de gauche.

Comment Guédiguian manifeste-t-il sa désillusion dans le chassé-croisé de toutes ces histoires du quotidien? Par des exemples qui font autant écho à l’actualité marseillaise qu’à notre réalité québécoise.

Guédiguian s’est en effet inspiré de l’écologiste Michèle Rubirola qui s’est présenté à la tête d’une liste écologiste en 2020. Cette femme médecin de 64 ans a remporté la mairie de Marseille en juillet. Cinq mois plus tard, elle démissionnait de son poste.

Dans son film, le réalisateur nous montre par exemple des militants qui font primer le parti auquel ils adhèrent au détriment des causes à défendre. Ce qui fait dire à Alice que cette division de la gauche laisse immanquablement la voie libre à ceux qui n’ont pas à cœur les intérêts des démunis.

Dans un mode plus comique, on rigole en entendant deux piliers du bar de Sarkis, deux Arméniens dont l’accent du Midi est à couper au couteau, s’inquiéter des promesses écologiques d’Alice qui souhaite faire plus de place au transport actif. ‘’Si elle est élu, dit l’un d’eux,  je vais devoir marcher pour aller voir ma fille en haute ville, et je n’ai pas les genoux pour ça. Et son autobus électrique, il passe seulement aux heures!’’

Bonne ‘’maire’’, comme on dit dans le Midi, on croirait entendre les adversaires de Valérie Plante lorsqu’elle parle d’interdire la circulation automobile sur la voie Camillien-Houde du mont Royal.

Guédiguian n’hésite pas à utiliser différents procédés pour faire avancer son récit. On traverse notamment des moments plus oniriques, comme lorsqu’Alice va à la piscine pour remettre de l’ordre dans ses idées, ou qu’elle rêve à son père qui vient lui rappeler l’idéal communiste de partage et de générosité envers autrui.

La scène la plus émouvante du film est certainement celle où tous les habitants du quartier de Noailles sont réunis pour l’inauguration de la Place du 5-Novembre, lieu créé pour commémorer la mort de 8 personnes lors de l’effondrement d’un immeuble à appartements vétuste de la rue d’Aubagne.  

L’événement, qui s’est réellement produit le 5 novembre 2018, a contribué à la mobilisation des forces de gauche pour s'attaquer au fléau des appartements indigents de Marseille.

C’est aussi cette tragédie mortelle qui a inspiré Robert Guédiguian à faire ce film, dans l’espoir qu’il incite les spectateurs à croire (de nouveau?) aux vertus de la solidarité. Engagement réussi.

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