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Une fête d'enfants de Michel-Marc Bouchard  au TNM
22-01-25

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photos: Yves Renaud
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Une création de Michel-Marc Bouchard au théâtre, c’est toujours un événement. J’en sais quelque chose, Bouchard, avec Michel Tremblay, est l’auteur dont j’ai vu le plus grand nombre de pièces en premières mondiales.

J’en nomme quelques-unes? La Nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé (au TNM en mai 2019), La divine illusion (au TNM en novembre 2016), Christine, la reine garçon (au TNM en novembre 2012), Les manuscrits du déluge (au TNM en février 2013), Tom à la ferme (au Théâtre d’Aujourd’hui en janvier 2011), Le peintre des madones (à Espace Go en avril 2004), Le chemin des passes dangereuses (chez Duceppe en février 1998).

Toutes ces pièces ont fini par être jouées en plusieurs langues à travers le monde. Plusieurs d’entre elles ont été couvertes de prix, sont devenues film, série télé, opéra.  

Avec le temps, un journaliste finit par savoir que, quoiqu’il en pense, la marque Michel-Marc Bouchard va faire son œuvre.

 

Tout ce préambule pour dire que la pièce Une fête d’enfants, présentement à l’affiche du TNM, ne m’a pas convaincu, comme jadis Tom à la ferme, et Le peintre des madones.

Soyons bien clair, Michel-Marc Bouchard n’a rien perdu de son pouvoir magique de raconter une histoire avec poésie, lucidité et humour.

Cette fois-ci, sa représentation d’un monde basé sur le paraître est tranchante. On dirait qu’il a écrit au scalpel tant son regard est clinique. C’est tellement passé au tamis que la pièce ne fait qu’une heure vingt.

L’histoire?

Avec son conjoint Nicolas, David, le personnage principal, a eu deux filles par fécondation in vitro. Sous leur toit, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. En apparence, jusqu’à ce que ça caille lors d’une fête d’enfants où la petite famille est invitée dans la maison d’une dentiste à la retraite tétanisée à l’idée de recevoir la ribambelle de petit amis de son petit-fils.

David, orthodontiste friqué, cache derrière son sourire Pepsodent une vilaine carie de l’âme qui lui fait porter des jugements sur tout le monde qui l’entoure, alors qu’il n’est pas si parfait lui-même. Sa libido le coulera.

Je n'ai pas vraiment saisi ce que l'auteur a voulu nous dire. Ainsi bien écrit soit-il, son texte m'est apparu anecdotique.

Cela m’a rappelé le Monde de Marcel Dubé. Les plus vieux savent de quoi je parle. Dans les années 1960, Marcel Dubé écrivait des pièces qui égratignaient le lustre de notre bourgeoisie provinciale, des êtres qui se mentaient à qui mieux mieux pour masquer le gâchis de leur vie. Inceste, adultère, il y avait toujours un scandale ou un drame dans l’histoire.

Gros dilemme pour le critique. Comme dans les pièces de Dubé, Le retour des oies blanches et Les beaux-dimanches, on ne peut guère raconter l’histoire d’Une fête d’enfants sans déflorer le sujet. Malvenu de nommer crûment les pièces du collage que nous propose l’auteur.

Je ne jouerai donc pas au divulgâcheur, mais en même temps que reste-t-il à dire de cette pièce si on ne peut évoquer le geste qui gâche la fête et mène à une finale dramatique qui ressemble à trop de faits divers qu’on peut lire dans le journal.

Je me contenterai de dire que j’ai été déçu que l’auteur ne développe pas davantage la question des défis de l’homoparentalité, un phénomène de plus en plus courant dans notre monde hétéronormatif, mais relativement nouveau et encore jamais (à ma connaissance) développé au théâtre québécois.

J’ai des réserves aussi sur la production. J’ai trouvé la mise en scène de Florent Siaud glaciale. Cela ne m’arrive jamais, en revenant chez moi, je me suis même mis à imaginer un autre décor et d’autres costumes tant ce que j’ai vu m’a laissé froid. Et j’ai été surpris de ne pas comprendre un mot de ce que disent les petites filles (qu’on ne voit jamais, entend seulement). J’ai beau être dur de la feuille, j’étais pourtant assis dans la troisième rangée!

Côté distribution, Sylvie Drapeau vole littéralement le show à François Arnaud (frette et intense) et Iannicko N’Doua (grave et froid). Il faut dire qu’elle a un rôle en or. Imaginez une dentiste à la retraite qui s’occupe, dans sa grande demeure avec piscine, à faire des collages pour le plaisir de l’art et, peut-être encore plus, pour l’effet que la colle lui donne. Sylvie Drapeau joue parfaitement ce rôle de femme aux cellules du cerveau brûlées, qui peine à suivre le nouveau monde dans lequel elle vit. Dans le cahier des charges de l’auteur, elle coche toutes les cases : rire, lucidité, poésie.

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​Bien hâte de voir, dans 5, 10, 15 ans, le chemin que cette 26e pièce de Michel-Marc Bouchard (si mon calcul est bon) aura fait pour me faire mentir.

​En tout cas, si La fête d’enfants est portée au cinéma, le film pourra surfer sur plusieurs genres: drame familial, comédie, porno, gore, car il y a tout ça dans le texte de Michel-Marc Bouchard pour lequel le TNM a jugé utile d’ajouter cette mention au programme : La pièce s’adresse à un public averti en raison des thèmes abordés (violence, sexualité). 

Mesdames et Messieurs, nous sommes bel et bien en 2025!

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