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La Cité radieuse de Le Corbusier
19-05-2025

​Marseille! Quoi voir dans la deuxième ville de France quand on y débarque pour la première fois? Au sommet de ma liste, il y avait entre autres La Cité radieuse de Le Corbusier (1887-1965), un projet architectural qui a bousculé la manière d’envisager l’habitation.

Pour replacer le concept dans son contexte, il faut remonter à la fin de la Deuxième Guerre. Le Corbusier (de son nom Charles-Édouard Jeanneret-Gris) a alors près de 60 ans, beaucoup d’expérience, et est familier avec le concept du béton armé en construction depuis 1909. On l’associe d’ailleurs à la popularité du style brutaliste.

Lorsque le ministère de la Reconstruction de la France lui demande, en décembre 1945,  de participer à l’effort pour reloger les Marseillais qui ont perdu leurs toits à cause des bombardements, il imagine un projet expérimental. Sa proposition consiste en une cité-jardin verticale, en ce sens que le quartier résidentiel qu’il conçoit est contenu dans un édifice à étages en béton érigé sur pilotis.

Dans ce qu’il appelle l’Unité d’habitation, on retrouve tout ce qu’un citoyen a besoin pour s’épanouir : un logement spacieux, silencieux, lumineux, avec tous les services essentiels : eau courante et sanitaire, commerces d’alimentation, école, lieux de sport et de loisirs, les PTT (Postes, Télégraphes, Téléphones), etc.

L’édifice compte 337 appartements dont plusieurs sont traversants, et sur deux étages.

La visite de ce paquebot de béton commence en appréciant l’extérieur du bâtiment qui fait 56 m de haut, 137 m  de long et 24 m de largeur sur 34 pilotis. (Je ne crois pas que Le Corbusier avait prévu autant de motos sous les arches de sa créature en ciment)

La guide nous explique que ces mesures ne sont pas le fait du hasard. Le Corbusier a esquissé ses dessins en tenant compte du ‘’nombre d’or’’. Ce qu’on appelle aussi la ‘’divine proportion’’ a été utilisée pour la construction de la pyramide de Kheops ou par Léonard de Vinci pour son célèbre dessin L’homme de Vitruve.

Chez Le Corbusier, l’outil de mesure s’appelle le ‘’Modulor’’. Il a d’ailleurs laissé son étalon bien visible, incrusté dans le béton. Il prend la forme d’un homme de 1 m 83. C’est à partir de cette représentation qu’il a calculé l’espace des appartements (de 15,50 à 203 mètres carrés).

Lorsqu’on observe la façade, on peut distinguer les étages dévolus aux logements (avec loggias colorées), ceux consacrés aux commerces, aux bureaux et à l’hôtel (aux 3e et 4e étage avec des pare-soleil verticaux), et l’école, au 9e étage, car oui il y a toujours une école maternelle dans l’édifice. L’école maternelle Le Corbusier accueille une cinquantaine d’enfants, prioritairement des enfants habitant l’édifice.

L’Office du tourisme de Marseille a l’exclusivité des visites guidées dans cet immeuble en copropriété. C’est donc un privilège de pouvoir visiter l’intérieur de ce monument historique (inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO), habité par près de 900 personnes, dont une centenaire qui y est résidente depuis plus de 60 ans.

Deux appartements ont conservé la décoration originale de 1952, telle que voulue par Le Corbusier. Ils ont été récemment rénovés.

Dans l'un d'eux, couvre-chaussures d’hôpital aux pieds pour ne pas abimer le parquet refait, on se promène du premier étage qui regroupe cuisine, salle à manger, et séjour, à l’étage supérieur où se trouvent la chambre des maîtres et leur salle de bain, et les chambres des enfants avec porte coulissante et douche attenante.

Les vues sur la mer et la montagne sont spectaculaires.

Si on recule dans le temps, on réalise combien ce concept était révolutionnaire que ce soit le fait de vivre en hauteur, en raison des volumes, ou de la disposition des pièces. Par exemple, il n’y a pas de mur entre la cuisine et la salle à manger. La ‘’femme de la maison’’ cuisine donc au vu et au su de tous.

L’espace est millimétré comme dans  les condos d’aujourd’hui. Le réfrigérateur n’étant pas un électro courant à l’époque, l’architecte a imaginé une manière facile et pratique d’approvisionner en glace les résidents. La livraison des ‘’pains de glace’’ pour la glacière se fait par le corridor, même si l’occupant est absent. À la porte, on trouve aussi un casier pour les livraisons des paquets. Le Corbusier a t’il anticipé les Uber, DoorDash et Amazon? En tout cas, il n’avait pas prévu d’espace pour le lave-linge, encore moins pour la sécheuse.

Parlons du corridor. Le Corbusier croyait que ses utilisateurs auraient tendance à chuchoter si le passage qui mène aux appartements était dans la pénombre.

L’architecte voyait le corridor comme une rue, numérotée comme à New York.  La 3e et la 4e étant les rues commerçantes. Il a aussi couvert les murs des corridors de parements en pierres pour renforcer l’illusion de la rue, pensé ses luminaires comme des lampadaires, placé des boîtes aux lettres à chaque étage.

Il y a toujours des commerces dans l’Unité d’Habitation de Le Corbusier. L’épicerie, la boucherie, le boulanger ont disparu avec les années, mais il reste un café, le restaurant-bar-terrasse de l’hôtel, des galeries d’art et des boutiques de livres et de meubles.

Le toit de la Ville-Radieuse n’est pas en reste. Dans le plan original, on retrouve un gymnase et une piste de course, une pataugeoire, une scène en béton pour des spectacles de théâtre ou pour la projection de films, en plus du château d’eau et les cheminées du building. Avec, vous l’aurez deviné, une vue à 360 degrés de Marseille à couper le souffle.

Depuis 2013, le gymnase a été privatisé. On a fait de cet espace un centre d’art contemporain, le MaMo, qui propose des expositions sous la direction du designer marseillais Ora-Ïto (de son vrai nom Ito Morabito).

 

Ce dernier a notamment invité la vedette du pixel art, Invader, à un événement qui a eu beaucoup de retentissement en 2020.

 

Ora-Ïto est lui-même très en vogue à Marseille, on lui doit notamment les nouveaux wagons du métro marseillais, le Neomma.

Après la visite, nous sommes allés prendre l’apéro sur le balcon du bar de l’Hôtel Le Corbusier. Nous avons pu à la fois apprécier la vue ainsi que la tranquillité de la Cité radieuse, pourtant située le long du très achalandé boulevard Michelet, à deux pas du Vélodrome Orange.

Cette visite d’une durée d'une heure et demie qui passe à la vitesse de l’éclair est un des faits saillants de notre voyage. Notre guide était excellente. À 18 euros par personne, c’est un très bon investissement.

Il faut réserver sa place au bureau de tourisme (11 la Canebière) ou en ligne (marseilleexperience.com) un peu d’avance, car le tour est très en demande, et les places limitées.  

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