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Sauvons l'École FACE!
21-05-2025

Comme vous le savez, je suis journaliste. Depuis bientôt 50 ans.

Pour préserver mon indépendance, je me suis rarement engagé dans des causes. Certains diront que c’est une position facile, personnellement je trouve qu’être neutre est une des valeurs cardinales du journalisme. Elle oblige à voir les deux côtés de la médaille.

À part manifester comme gréviste ou lockouté, ce qui m’est arrivé assez souvent dans ma vie, c’est la première fois que je prends fait et cause pour une situation qui m’indigne au point de prendre un autobus pour descendre à Québec exprimer ma désapprobation à l’Assemblée nationale.

En fait, la dernière fois que j’ai fait ça, c’est en octobre 1974 pour manifester contre l’adoption de la Loi 22 par le gouvernement Bourassa. Nous étions 15 000, et ça a mené à la Loi 101 quelques années plus tard.

Aujourd’hui si j’endosse le t-shirt Sauvons Face, c’est parce que je suis consterné par la décision du ministre de l’Éducation Bernard Drainville d’annuler le projet de rénovation d’une école du centre-ville de Montréal que j’ai très à cœur. Il a même, horreur!, dit vouloir la vendre!

Je souhaite ardemment que nous puissions le convaincre qu’il fait une grave erreur qui sera une tache indélébile dans son parcours de ministre.

Je parle de FACE en connaissance de cause.

Mon fils y a fait toute sa scolarité primaire et secondaire, de la maternelle à la cinquième secondaire.

Sa mère et moi avons inculqué à notre enfant les valeurs qui sont les plus importantes pour nous, mais Julien ne serait pas la personne qu’il est aujourd’hui sans cette école qu’il a fréquentée.

FACE, institution à vocation particulière, a fait de lui une personne ouverte aux autres, dotée de réelles compétences transversales, bilingue, qui a des connaissances en musique et en chant, capable de s’exprimer en public grâce au théâtre, ouvert aux arts visuels.

Ce n’est pas tout.

Au fil des ans, notre Julien s’est forgé une famille à l’école. Certains de ses amis de classe sont devenus les frères et sœurs qu’il n’a pas eus étant enfant unique.

Comme parents nous sommes attachés à ces amis proches qu’on a vus grandir et devenir avocat, ingénieur, réalisatrice, psychoéducatrice, travailleur social, comptable, car bien que la formation de l’école FACE soit axée sur les arts, tous ne deviennent pas artistes comme Mitsou, Rufus Wainright, Fanny Britt, Mariloup Wolfe, Melissa Auf Der Maur pour nommer quelques vedettes qui sont sorties de cette école.

 

La beauté de cette institution qui a 50 ans cette année, c’est d’être à la fois une école primaire et secondaire, regroupant sous le même toit des élèves francophones et anglophones. Il faut vraiment le voir pour le croire. Cette école fait partie de l’ADN de Montréal, ville du vivre ensemble par excellence.

Ils sont 1 300 élèves à évoluer côte à côte dans cet édifice chargé d’histoire.

Je participe aujourd’hui à cette activité du mouvement Sauvons Face parce que je suis aussi très préoccupé par le sort réservé au patrimoine architectural montréalais.  

 

Ce bâtiment est un joyau. De style Beaux-Arts, il a été dessiné par les architectes du Musée des beaux-arts de Montréal, les frères Maxwell. Depuis 1915, il a vu passer en ses murs, alors que c’était le Montreal High School, des célébrités comme les musiciens de jazz Oscar Peterson et Maynard Ferguson, l’acteur Christopher Plummer, le journaliste Davidson Dunton.

On ne peut pas vendre ce site pour le transformer en condos. Ce serait un sacrilège. Ce bâtiment a été pensé pour être une école. Il y a des classes, des laboratoires, des salles de répétition, une scène pour le théâtre,  un auditorium pour les concerts, un gymnase, car on fait aussi du sport à FACE. L’école a d’ailleurs produit d’excellents joueurs de soccer et de badminton.

Il y a même eu à une certaine époque, une piscine et un planétarium au 3449 rue University. Il faut connaître le passé pour avoir envie de le préserver.

Et il y a tout un pan immatériel rattaché à cette école.

Imaginez que pendant 12 ans, un élève de FACE doit emprunter chaque jour la rue University pour rejoindre sa classe. Ça ne peut faire autrement qu’ouvrir le monde des possibilités pour un jeune qui fréquente cette école publique.

 

Oui, cette école, en plus, est publique, accessible à tous, et particulièrement à ceux qui vivent au centre-ville. Il faut savoir que c’est la seule école du centre-ville.

Pour nous, les parents de Julien qui vivons au coeur de Montréal depuis 36 ans, FACE était notre école de quartier. Accessible à pied dès que fiston a eu 9-10 ans. Le bonheur!

Comme parents, comment ne pas être rassurés de savoir que notre ado allait manger son lunch le midi sur les pelouses de l’Université McGill qui se trouve en face.

Je vous parle de mon cas avec nostalgie, car l’école FACE nous a procuré tant de belles années. Croyez moi, nous ne sommes pas les seuls. Nous sommes des milliers à chérir le passage de nos enfants au primaire et au secondaire. Je sympathise tellement avec les parents qui vivent l'immense déception qui vient avec l'annonce de la fin de ce projet scolaire éprouvé depuis un demi-siècle.

 

Pour nous, c’est du passé, car Julien a fini son secondaire il y a une douzaine d’années. Mais si je suis à Québec aujourd'hui, c’est parce que j’ai un attachement très grand à cette école, et je souhaite de tout mon cœur que ce modèle unique (s’il n’existait pas on voudrait l’inventer) continue d’exister pour bien des cohortes encore.

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